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9 brumaire an II (30 octobre 1793) - Décret portant interdiction des clubs et sociétés de femmes, Jean-Claude Bardout, Jurisassociations n°277 - 15 avril 2003, Dalloz, avec l’autorisation de l’éditeur

  • Photo du rédacteur: Jean-Claude Bardout
    Jean-Claude Bardout
  • 10 déc. 2024
  • 3 min de lecture

« Nous croyons qu’une femme ne doit pas sortir de sa famille pour s’immiscer dans les affaires du gouvernement. Vous détruirez les prétendues sociétés populaires de femmes que l’aristocratie voudrait établir pour les mettre aux prises avec les hommes, diviser ceux-ci en les forçant de prendre parti dans ces querelles et exciter des troubles. »

Suite à quoi l’Assemblée passa au vote du texte proposé par le citoyen AMAR. Son article premier est ainsi libellé : «  Les clubs et sociétés populaires de femmes sous quelques dénomination que ce soit sont défendues ».


Nous sommes en l’an II de la Révolution. Des citoyens se plaignent de « désordres provoqués par des femmes que les idées révolutionnaires avaient exaltées » . Il faut faire un rapport sur la question. Le comité de sûreté générale en charge le député AMAR. Ce dernier reçoit pour mission d’évaluer l’intérêt ou le danger de la participation des femmes à la vie politique de la Nation. Il rend son travail le 9 brumaire an II. Notre homme estime que les femmes ne peuvent pas sans danger former des associations. Le député le déplore : les femmes manquent d’éducation politique. Elles pêchent par « la vivacité de leurs passions dans les débats publics ».

Le tempérament féminin est « funeste aux intérêts de l’Etat ». Il faut parer à ce danger. AMAR propose une prompte mesure, au nom du comité de sûreté générale. Sur le champ, l’Assemblée vote le décret du 9 brumaire. Les clubs et sociétés de femmes sont interdits. La convention récidivera deux ans plus tard, suite à quelques manifestations bruyantes de femmes aux balcons de l’assemblée. Elle décrétera, par décret du 4 Prairial an III (23 mai 1795) « que les femmes ne pourront assister à aucune assemblée politique ».


Si l’émancipation politique des femmes est tardive en France (le suffrage universel ne leur a été accordé qu’en 1945 et le principe de la parité en politique n’a été posé qu’en 1999), leur participation à la vie associative est ancienne. Les femmes étaient admises dans les confréries dès l’an mil, elles étaient nombreuses dans les congrégations, actives dans les charités. Il existait aussi des associations composées exclusivement de femmes.

En 1791, Robespierre réclama, en vain, le droit au suffrage pour les femmes. La Législative concéda l’égalité des droits civils, le 20 septembre 1792. Exclues du suffrage politique, les femmes se sont investies dans les clubs et sociétés populaires. Des clubs et sociétés de femmes se sont aussi formés. Le décret sexiste du 9 brumaire an II a-t-il eu des conséquences dans la pratique associative. Les femmes, malgré le député AMAR, continueront à donner de la voix dans les associations.


De 1848 datent les premières associations féministes : l’association des ouvrières lyonnaises, fondée par Eugènie Niboyet, (saint-simonienne née le 24 fructidor an IV) ; l’association fraternelle des démocrates socialistes des deux sexes pour l’affranchissement politique et social des femmes, crée en 1849 par Jeanne DEROIN. Voici sa profession de foi : « Nous croyons à l’égalité parfaite de l’homme et de la femme, à l’Egalité parfaite de tous les êtres humains entre eux. Nous croyons qu’il n’y a de salut pour l’Humanité que dans une Association volontaire, ... parfaitement libre, fraternelle et égalitaire de tous les hommes entre eux. » Waldeck-Rousseau père, mutualiste et coopérateur militant, prend position en ces années 48 en faveur de l’adhésion des femmes aux sociétés mutuelles. La capacité des femmes à diriger des sociétés de secours mutuels a encore été discutée par quelques parlementaires lors de l’adoption de la loi du 1er avril 1898, dite Charte de la mutualité, mais n’a plus fait débat en 1901. Le principe en était définitivement acquis. En politique, les femmes n’avaient alors pas le droit de vote, pas le droit d’être élue maire, ni député. Mais elles bénéficiaient, à l’égal des hommes, du droit d’association, du droit d’adhérer et de se réunir, du droit de voter et d’être élue administratrice et présidente d’une association.


Que subsiste-t-il de nos jours du décret du 9 brumaire an II ? Ni les droits des femmes à prendre part à la vie associative, ni la réalité de leur engagement associatif à côté des hommes ne pose question. Mais qu’en est-il dans les instances élues ? Aujourd’hui, même en politique, la loi du 8 juillet 1999 contraint à la parité. Faudra-t-il adopter pareillement une loi contraignante en faveur de la parité dans les conseils d’administration des associations ? Ou peut-on espérer que la parité s’imposera-t-elle d’elle-même, de l’intérieur de chaque association ... sauf dans celles qui se donnent pour objet de regrouper spécifiquement l’un ou l’autre sexe !

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